Im Wald verwandelt sich der Mensch

De loin, la forêt, la grande forêt, forme un infini, un continent où couve une inquiétude ancienne. Elle peut intimider, épouvanter aussi. Passer outre craintes et tremblements et participer à la cérémonie qui s’y ordonne. À l’approche de ce nuage d’ombres s’élève la beauté, celle des cathédrales d’avant les hommes, celle des bêtes antiques. Au bout du chemin du regard, se perdent la confusion des lisières, le treillis des épaisseurs de feuillages et des nouvelles pousses de printemps. Il n’est plus question de revenir sur ses pas ; l’attrait grandit, je me hâte. Sauter un fossé, remonter la courte pente d’un talus, traverser les fouillis des ramures, s’égratigner : je me déracine, je me grise, je m’abstrais des souvenirs. Une fois passées les mailles couturées des taillis de ronciers à mûres qui enfoncent dans la terre leurs rameaux pour se reproduire, l’on parle bas, comme par crainte d’être surpris lors d’un échange secret. Ici est le lieu de la confidence sans éclats de voix. J’entre en résonance, je reçois la forêt comme une grâce. À ce moment tout bascule, un frisson froid parcourt l’échine, le cœur bat plus vite, la gorge se noue. L’agitation vous porte et ce que vous ressentez devient inexprimable. Sous les feuillées, le promeneur part pour un voyage sans retour.

Weiterlesen

Brachland und Raumordnung: Jean Rolin

Jean Rolins Projekt, mit einer „littérature de terrain“ eine andere Topographie der Lebensräume zu erschreiben, im scheinbar heimischen Kontext um die Pariser Brücke von Bezons und an den Grenzen von Stadt und Umland, macht vernachlässigte, übersehene Bereiche (terrain vague) sichtbar.

Kein Bedürfnis, über ihre Existenz zu sprechen

Toujours sur le qui-vive, nous échangions par gestes référencés pour évaluer la menace et prévenir l’agression. Dans l’intimité, c’était un langage de mains, de toucher, de caresses ou de coups, parfois ponctué de grognements ou de cris outragés.

Weiterlesen

Ursprung des Schattentheaters

La petite pièce à laquelle j’ai assisté, d’après ce que j’ai cru comprendre, tirait son argument, comme c’est souvent le cas, de quelques-uns des épisodes les plus spectaculaires de La Pérégrination vers l’Ouest, le vieux roman de Wu Cheng’en. Il compte au nombre des grands classiques de la littérature chinoise et certainement il est le plus plaisant de tous pour un profane. Je n’ai pas trop de mérite à l’avoir reconnu en dépit du traitement assez fruste qui lui était infligé par les marionnettistes de Qibao car j’étais précisément en train de découvrir le livre chaque matin dans ma chambre d’hôtel. Ou, peut-être, ai-je pensé à tort qu’il s’agissait de lui car j’étais alors plongé dans sa lecture. Il faut dire que toutes ces histoires se ressemblent un peu. Elles mettent en scène les mêmes combats fantastiques que, sous l’œil de divinités bienveillantes, livrent, pour la bonne cause, des créatures surnaturelles afin que triomphent, défaisant les monstres dépêchés contre eux, les sages et les saints auxquels incombe la mission de faire triompher sur terre la vérité et la justice.

Weiterlesen

Es gab kein Budget für die Frankophonie

Virgile, box 47, 2e sous-sol (Automne 2020)

Le maître des histoires parlait. Ce soir-là, la fille du box 52 s’était glissée au premier rang, elle était pourtant discrète, certains disaient qu’elle vendait son corps à des hommes. Elle n’avait pas résisté à la voix du maître des histoires. Grave et veloutée, elle ensorcelait. Le maître des histoires racontait d’étranges légendes. Il décrivait le Paris de la surface, celui des riches, près de la Seine, avec ses cafés aux toilettes rutilantes, si propres qu’il était possible de se mirer dedans, ses librairies tranquilles, ses magasins si luxueux qu’ils étaient gardés par des vigiles venus de pays comme les leurs. Il racontait qu’il avait connu intimement ce Paris du Quartier latin, où l’on flânait au bord de l’eau en regardant les étals des bouquinistes, où l’on discutait des heures durant aux terrasses de café en regardant les passants, près de Notre-Dame. Les autres rigolaient. Il était fort, ce maître des histoires. Qui avait le temps de se promener en regardant de vieux livres ou de boire des cafés en discutant ?

Weiterlesen

Es hat mich nie interessiert, Jüdin zu sein

Leur pays sur la carte

J’ai bien connu Harry et Gabriela. Après leur arrivée, ils n’ont plus quitté Paris où je suis la première de la famille à être née. J’allais dormir chez eux le samedi soir, dans un modeste appartement de la porte de Bagnolet, quartier populaire et délaissé. Ils avaient été des gens importants. Cela ne se voyait pas. Il fallait les croire sur parole, et je les croyais. Le papier peint défraîchi en disait long sur leur déclassement. Mais moi, enfant, je ne le percevais pas vraiment. Je comptais plutôt les tapis ouvragés, les napperons brodés et les assiettes peintes qui décoraient ces tristes murs du XXe arrondissement. La voilà, pour moi, la Roumanie : une multitude d’assiettes accrochées au mur.

Weiterlesen

Hybride Objekte, die mit den Genres spielen: Scribes

Gallimard hat eine neue Reihe begründet, „Scribes“ – betreut von Clément Ribes, der vorher Herausgeber beim Verlag Christian Bourgois war: „Romane, die uns durch das, was sie erzählen, aber auch durch ihren Stil berühren. Vorschläge, die neue Wege eröffnen. Räume, die als Labor dienen. Hybride Objekte, die mit den Genres spielen. Die Pluralität der Ästhetiken.“

Schiff aus offenem Meer: Philippe Sollers

Philippe Sollers ist am 6. Mai 2023 in Paris gestorben, mit 86 Jahren. Die ersten Todesmeldungen in Deutschland beziehen sich weitgehend nur auf „Femmes“, ein Buch, mit dem der Autor und Literaturtheoretiker 1983 eine zugänglichere Form des Schreibens gefunden hatte. Bücher des 21. Jahrhunderts bleiben zu entdecken: „Passion fixe“ (2000), „Un amour américain“ (Mille et une nuits, 2001), „L’Étoile des amants“ (2002), „Une vie divine“ (2005), „Un vrai roman : mémoires“ (Plon, 2007), „Les Voyageurs du temps“ (2009), „Trésor d’amour“ (2011), „L’Éclaircie“ (2012), „Médium“ (2013), „L’École du mystère“ (2015), „Mouvement“ (2016), „Beauté“ (2017), „Centre“ (2018), „Le Nouveau“ (2019), „Désir“ (2020), „Légende“ (2021), „Graal“ (2022).

In 50 m hast Du das Ziel erreicht

Tes yeux sont arrimés à l’écran. Si tu les levais, ta respiration se couperait, et tu chuterais.

La carte, elle, est accueillante. Elle indique clairement les étapes et prévient les pièges. Le point rouge te guide. Il t’a permis de prendre le bon bus, de descendre à l’arrêt adéquat. La Zone Belle-Fenestre est apparue. Tu y es entrée par une grande grille rococo, le GPS savait qu’elle serait ouverte, tu t’es avancée sur un chemin de terre de Sienne (importée d’Italie, c’était noté sur l’espace du GPS), tu as pris à droite puis à gauche, puis à gauche encore après 300 mètres. C’était facile et beau.

Si tu fais le moindre faux pas, le GPS te le signale : le point s’éloigne, le temps de trajet augmente. C’est comme si tu jouais à cache-cache niveau facile. Tu tiens la carte entre tes mains. Tu peux orienter le monde selon ta volonté.

Weiterlesen

Wir waren nicht auf der Jagd nach Likes

La peur de perdre sa respectabilité, ça, c’est bourgeois. Au sens péjoratif du terme. Dire qu’on est un artiste et vouloir être aimé, ça n’a pas de sens. Je suis actrice. Si personne ne m’aime, je disparais. N’empêche que je n’ai jamais privilégié l’amour du plus grand nombre à ma sincérité. Je ne suis pas un soda qu’on cherche à vendre à tous les enfants. Je ne me présente pas à une élection présidentielle, que je dois gagner en séduisant la majorité des citoyens. C’est mon courage d’être sincère que je vends. D’être précisément moi, que ça te plaise ou non. Ce qui fait qu’on m’a choisie plutôt qu’une autre pour de grands rôles, ce n’est ni ma plastique ni ma diction. C’est que j’ai le cran de ne pas ressembler à tout le monde. Je prends le risque de déplaire, ça fait partie du job. Tu ne peux pas marquer les esprits si tu crains d’être qui tu es. Ce n’est pas la situation qui te rend impuissant. C’est le flip que tes voisins de palier ne te saluent pas comme un notable. Tu peux invoquer ta naissance et parler du métier de tes parents pour te victimiser et justifier ta faiblesse. Mais on sait l’un comme l’autre que c’est une excuse. Les enfants riches sont comme toi. Tout le monde veut faire de la publicité aujourd’hui. C’est-à-dire produire des messages esthétiquement cohérents et qui s’adressent au client qui les commande. Qui se foutent de la vérité. Qui ne veulent que séduire, et jamais déranger personne. Vous voulez que votre art soit pris au sérieux mais vous ne voulez pas déplaire, ni être en danger. Ce n’est même pas que ça manque de sang dans les encriers, c’est que vous voulez porter la couronne d’épines du Christ, mais sans vous égratigner le front ni porter la croix. Plus personne n’est en faveur de la provocation. Maintenant tout le monde veut être bien vu. Tout le monde veut être un bon élève. Le fameux débilos au fond de la classe, assis à côté du radiateur, qui dit des conneries pour le plaisir de foutre le bordel, n’est plus une figure populaire. Le cancre de Prévert peut aller se rhabiller – vous ne reconnaissez que le langage de l’entreprise. Sérieux, responsable, du côté de la dignité et du plus gros chiffre. La seule provocation qu’on supporte, c’est celle qui vient du pouvoir. Mais ce n’est pas marrant quand ça vient d’en haut. Foutre le bordel, c’est rigolo quand t’es un petit rat dégueulasse.

Weiterlesen

Verheißung und Entfremdung des Fastfood

„En salle“ ist der Bereich, in dem niemand aus dem Team arbeiten möchte. Es ist der Essensbereich der Systemgastronomie – und der Titel des ersten Romans von Claire Baglin, geboren 1998. Die zwei Teile des Textes gehören auf desillusionierende Weise zusammen: Verheißung und Entfremdung, die Kindheit als Tochter eines Arbeiter-Vaters und die Jahre in einer Restaurantkette.