Es gab kein Budget für die Frankophonie

Virgile, box 47, 2e sous-sol (Automne 2020)

Le maître des histoires parlait. Ce soir-là, la fille du box 52 s’était glissée au premier rang, elle était pourtant discrète, certains disaient qu’elle vendait son corps à des hommes. Elle n’avait pas résisté à la voix du maître des histoires. Grave et veloutée, elle ensorcelait. Le maître des histoires racontait d’étranges légendes. Il décrivait le Paris de la surface, celui des riches, près de la Seine, avec ses cafés aux toilettes rutilantes, si propres qu’il était possible de se mirer dedans, ses librairies tranquilles, ses magasins si luxueux qu’ils étaient gardés par des vigiles venus de pays comme les leurs. Il racontait qu’il avait connu intimement ce Paris du Quartier latin, où l’on flânait au bord de l’eau en regardant les étals des bouquinistes, où l’on discutait des heures durant aux terrasses de café en regardant les passants, près de Notre-Dame. Les autres rigolaient. Il était fort, ce maître des histoires. Qui avait le temps de se promener en regardant de vieux livres ou de boire des cafés en discutant ?

Il évoquait la Sorbonne et ses coursives en bois sombre. Il repensait à Innocent et Scholastique. Tous les trois étaient inséparables, reconnaissables entre mille avec leurs costumes de velours démodés mais impeccables tandis que les Français se traînaient, négligés avec leurs jeans troués et leurs baskets fatiguées. Virgile, toujours tiré à quatre épingles, n’avait jamais compris pourquoi les enfants de bourgeois voulaient tant faire pauvre.

C’était dans les années 90. Eux trois, ils se désignaient pour rire « le club des non-alignés ». Ou les « décolonisés ». Innocent était guinéen, Scholastique, burkinabé. Ils étaient inscrits en sciences politiques. Virgile, le Sénégalais de la bande, étudiait les lettres modernes. Il rêvait de travailler sur la ponctuation chez Proust. Et plus exactement sur le point-virgule. Virgile aimait les phrases longues, à tiroirs, rivières grasses sinuant dans leurs lits, voluptueuses à l’oreille. Donc Proust. Donc les subordonnées qui s’enchevêtrent. Donc le point-virgule. Innocent l’engueulait. Compter les points-virgules dans la Recherche du temps perdu, un roman où des Blancs discutaient dans des salons XIXe avec d’autres Blancs de problème de Blancs, ça lui semblait grotesque alors qu’il y avait tant de révolutions à mener. Scholastique se rêvait en nouveau Sankara. Son grand frère avait été envoyé à Cuba pour faire ses études et devenir un révolutionnaire. Quand Sankara avait été assassiné, tout le monde avait pleuré. Scholastique était obsédé par Sankara et par Frantz Fanon. Travaille sur Frantz Fanon, mon frère, répétait-il. Mais Virgile cette tête de mule ne voulait rien entendre. Frantz Fanon, toujours Frantz Fanon. Toujours Peau noire, masques blancs. Toujours les damnés de la terre. Toujours la politique.

Virgile avait finalement renoncé à Proust. Le professeur proustien star de la fac affichait complet, il avait dû se rabattre sur son directeur de maîtrise actuel, un quinquagénaire las et amer, qui se plaignait sans cesse du manque de considération dont il souffrait à l’université : lui, spécialiste de littérature comparée, était écrasé par la mafia des proustiens et des céliniens qui faisaient la loi en lettres modernes à Paris IV. Il avait tenté de conquérir la terra incognita des littératures comparées et créé une nouvelle UFR de « littérature francophone ». Le professeur avait donc besoin d’étudiants pour gonfler ses troupes. Il espérait qu’il y gagnerait quelques colloques sous des latitudes exotiques. Raté. Il n’y avait aucun budget pour la francophonie.

Littérature francophone comparée et littérature des îles. C’était l’intitulé de l’UFR. Virgile avait suggéré de consacrer son mémoire de maîtrise à une étude de la poésie de Senghor et de Baudelaire. Le professeur avait fait la moue, évoquant un concurrent de Paris III, ennemi juré, qui comptait profiter d’un cycle de commémoration pour rafler tous les budgets de recherche. Le professeur aurait préféré un Haïtien, n’importe lequel, Haïti était très à la mode. Virgile s’était rabattu sur Aimé Césaire. Innocent et Scholastique râlèrent. Fanon, prends Fanon ! Césaire, pour eux, c’était presque un collabo. Après tout, il avait été maire de Fort-de-France. Et la révolte ? Et l’esclavage ? Et les réparations ? Et ça repartait pour des heures. Parfois, Virgile en avait assez de parler de la traite : seuls Proust et les salons de la duchesse de Guermantes le faisaient vibrer.

Doan Bui, La Tour, ou un chien à Chinatown: roman, (Paris: Grasset).

Virgile, Box 47, 2. Untergeschoss (Herbst 2020).

Der Meister der Geschichten sprach. An diesem Abend hatte sich das Mädchen aus Box 52 in die erste Reihe geschlichen, sie war jedoch diskret, einige sagten, sie verkaufe ihren Körper an Männer. Sie konnte der Stimme des Meisters der Geschichten nicht widerstehen. Tief und samtig, verzauberte diese Stimme. Der Meister der Geschichten erzählte seltsame Legenden. Er beschrieb das Paris der Oberfläche, das Paris der Reichen, nahe der Seine, mit seinen Cafés mit glänzenden Toiletten, die so sauber waren, dass man sich darin spiegeln konnte, seinen ruhigen Buchhandlungen, seinen Geschäften, die so luxuriös waren, dass sie von Wachleuten aus Ländern wie ihrem eigenen bewacht wurden. Er erzählte, dass er dieses Paris des Quartier Latin, wo man am Wasser flanierte und die Stände der Buchhändler betrachtete, wo man stundenlang auf den Terrassen der Cafés diskutierte und die Passanten in der Nähe von Notre Dame beobachtete, aus nächster Nähe kannte. Die anderen lachten. Er war stark, dieser Meister der Geschichten. Wer hatte schon Zeit, um spazieren zu gehen und alte Bücher anzuschauen oder Kaffee zu trinken und zu diskutieren?

Er erinnerte sich an die Sorbonne und ihre Gänge aus dunklem Holz. Er dachte an Innocent und Scholastika. Die drei waren unzertrennlich, unverkennbar in ihren altmodischen, aber makellosen Samtanzügen, während die Franzosen schlampig in ihren löchrigen Jeans und müden Turnschuhen herumliefen. Virgile, der immer tadellos elegant gekleidet war, hatte nie verstanden, warum die Kinder der Bourgeoisie so sehr arm sein wollten.

Es war in den 90er Jahren. Sie drei bezeichneten sich scherzhaft als „Club der Blockfreien“. Oder die „Entkolonialisierten“. Innocent war aus Guinea, Scholastique aus Burkina Faso. Sie waren für Politikwissenschaften eingeschrieben. Virgile, der Senegalese in der Gruppe, studierte moderne Literatur. Er träumte davon, über die Interpunktion bei Proust zu arbeiten. Genauer gesagt, über das Semikolon. Virgile liebte lange, schubladenartige Sätze, fette Flüsse, die sich durch ihr Bett schlängeln und dem Ohr schmeicheln. Also Proust. Also verschachtelte Nebensätze. Also das Semikolon. Innocent schrie ihn an. Das Zählen von Semikolons in der Suche nach der verlorenen Zeit, einem Roman, in dem Weiße in Salons des 19. Jahrhunderts mit anderen Weißen über weiße Probleme diskutierten, erschien ihm grotesk, wo es doch so viele Revolutionen gab, die es zu führen galt. Scholastika träumte von einem neuen Sankara. Ihr älterer Bruder war nach Kuba geschickt worden, um dort zu studieren und ein Revolutionär zu werden. Als Sankara ermordet wurde, weinten alle. Scholastique war von Sankara und Frantz Fanon besessen. Arbeite an Frantz Fanon, mein Bruder, sagte er immer wieder. Aber Virgile, dieser Sturkopf, wollte nicht hören. Frantz Fanon, immer Frantz Fanon. Immer noch Schwarze Haut, weiße Masken. Immer die Verdammten dieser Erde. Immer die Politik.

Virgile hatte Proust endlich aufgegeben. Der Star-Professor der Universität war ausgebucht und er musste auf seinen derzeitigen Magister-Direktor ausweichen, einen müden und verbitterten Mann in den Fünfzigern, der sich ständig über die mangelnde Wertschätzung an der Universität beklagte: Er, ein Spezialist für vergleichende Literatur, wurde von der Mafia der Proustianer und Célinianer, die in der modernen Literatur in Paris IV das Sagen hatten, zerquetscht. Er hatte versucht, die Terra incognita der vergleichenden Literaturen zu erobern und eine neue Bildungs- und Forschungseinheit für „frankophone Literatur“ gegründet. Der Professor brauchte also Studenten, um seine Truppen aufzustocken. Er hoffte, dass er dadurch einige Kolloquien in exotischen Breitengraden gewinnen würde. Das war nicht der Fall. Es gab kein Budget für die Frankophonie.

Vergleichende frankophone Literatur und Literatur der Inseln. So lautete der Titel der Bildungs- und Forschungseinheit. Virgile schlug vor, seine Masterarbeit einer Untersuchung der Gedichte von Senghor und Baudelaire zu widmen. Der Professor rümpfte die Nase und verwies auf einen Konkurrenten aus Paris III, einen Erzfeind, der eine Gedenkfeier ausnutzen wollte, um alle Forschungsbudgets abzugreifen. Der Professor hätte einen Haitianer bevorzugt, irgendeinen, denn Haiti war sehr in Mode. Virgile hatte sich für Aimé Césaire entschieden. Innocent und Scholastica schimpften. Fanon, nimm Fanon! Césaire war für sie fast ein Kollaborateur. Immerhin war er Bürgermeister von Fort-de-France gewesen. Was ist mit der Revolte? Was ist mit der Sklaverei? Was ist mit den Reparationen? Und so ging es stundenlang weiter. Manchmal hatte Virgile genug vom Thema Sklavenhandel: nur Proust und die Salons der Herzogin von Guermantes faszinierten ihn. 1

Kai Nonnenmacher

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Anmerkungen
  1. „Les Olympiades. Hier, um die Betonplatte dieses Hochhaus-Gebäudekomplexes in der Pariser Chinatown, hat sich die Familie Truong niedergelassen, Boat People, die nach dem Fall von Saigon aus Vietnam geflohen sind. Victor Truong schätzt das Imperfekt des Konjunktivs und die Gedichte von Vic-to-Lou-Go (Victor Hugo). Alice, seine Frau, ist ein Fan von Justin Bieber, hasst aber Mitterrand, diesen verfluchten „Kommunisten“, der in dem Jahr zum Präsidenten gewählt wurde, in dem ihre Tochter Anne-Maï geboren wurde, die nach einer Kindheit, in der sie davon träumte, blond wie eine echte Französin zu sein, mit 40 Jahren zur Verzweiflung ihrer Eltern als Single dastand.
    Dieser Turm von Babel, in dem tausend Sprachen miteinander flüstern, ist ein Wunderland farbenfroher Charaktere. Da ist Ileana, die rumänische Pianistin, die nun als Kindermädchen im Exil lebt; Virgile, der papierlose Senegalese, Proust-Leser und Virtuose für falsche Geschichten, der den Parkplatz besetzt und seinen Lebensunterhalt als Betrüger verdient. Wir treffen auch auf Clément, den Mann aus der Sarthe, der von der großen Umvolkung besessen ist und davon überzeugt ist, die Reinkarnation des Hundes von Michel Houellebecq, seinem Idol, zu sein. All diese Schicksale kreuzen sich in einem pikaresken Fresko, das von Liebe, Trauer, Trennung und Exil geprägt ist.
    Perecs La Vie mode d’emploi erschien 1978, als Les Olympiades gerade im Entstehen war. Wie würde Perec das heutige Paris beschreiben? Der erste Roman der Autorin Doan Bui versucht eine Antwort auf diese Frage zu geben, indem er ebenfalls eine minutiöse Topographie eines Ortes und seiner Bewohner erstellt. Die Autorin erzählt das heutige Frankreich, von der Fußballweltmeisterschaft 98 bis zu den Anschlägen von 2015, in einem Chorroman von grimmiger Komik.“ Übers. der Verlagsankündigung.>>>