Die Zeit mit den Materialien der Zeit reparieren

Alice Guy, Les Résultats du féminisme (1906)

Au fil de ses recherches, Constance a découvert que le destin des films d’Alice Guy n’est pas une exception. On estime que les deux tiers des pellicules des quinze premières années du cinéma ont disparu. En nitrate de cellulose, elles sont hautement inflammables et le gaz qu’elles dégagent les rend explosives. Plus une pellicule vieillit et s’endommage, plus sa température d’autocombustion baisse. « Films flammes », des désastres en puissance. Leur conservation est délicate mais qu’importe, il n’était pas question de les épargner à l’époque. Les films étaient avant tout des produits de consommation ; le public veut de la nouveauté, on recycle les sels d’argent et la cellulose pour en faire d’autres films, on détruit les pellicules pour libérer de la place.

Un film de quinze minutes fait trois cents mètres, à peu près une bobine. Pour un long-métrage d’une heure, il faut mille deux cents mètres de pellicule, soit trois bobines de quatre cents mètres. Le cinéma est encombrant.

L’arrivée du parlant a été l’occasion de purger les bobines muettes, passées de mode. Puis une nouvelle pellicule, moins inflammable, a porté le coup fatal : depuis 1961 il est interdit d’utiliser du nitrate.

Divertissement, industrie, le film n’était pas un objet de patrimoine. Ce sont des passionnés, au début des années 1930, qui ont arpenté les marchés aux puces, les cinémas en faillite et les brocantes. Les premières archives de films ont été l’œuvre de particuliers, des collectionneurs amoureux qui sauvaient les pellicules des bennes et de l’oubli, les abritant dans leurs placards et leurs baignoires.

Constance les imite, c’est la première fois qu’elle se rend au vide-greniers de son quartier. Deux boîtes à chaussures délavées sur la table d’un marchand. À l’intérieur, des photos jaunies, des visages de face. À deux doigts, Constance les parcourt toutes. L’une après l’autre, des enfants en rang dans la cour d’une école, des couples sur fond noir un nourrisson dans les bras, des mariés devant des églises de village. Son majeur rabat un enfant en slip blanc qui plisse les yeux, les pieds dans la mer, son index passe une famille, hommes derrière, femmes assises, nuances de gris et de surexposition. Jamais la même teinte ni le même format, ses doigts butent contre des bords en dentelle de carton.

Ce qui réunit ces gens dans cette boîte à chaussures, c’est d’avoir habité la même région et de faire partie du temps révolu. Ces photos qu’on a gardées avec soin, qu’on sortait du buffet quand on avait envie de se rappeler, de se souvenir, pas des instantanés mais des temps de pose longs, qui fixaient des moments importants, sur lesquels on ne souriait pas. La sentence « c’est du passé » permet à des vendeurs de les vendre, à des acheteurs de les acheter et à ces images de se retrouver dans des cafés, des halls d’hôtel ou des salles de bains.

Sous ses doigts, tous ces gens rassemblés par le hasard, conservés par amour puis par nostalgie puis par exotisme. Elle lutte contre la somnolence induite par la succession de noir et de blanc, de visages de face. Elle veut les voir, tous et toutes, leur accorder le respect d’un regard, avant de passer au suivant. Quand son attention flanche, elle revient en arrière, regarde à nouveau, puis continue.

Constance cherche Alice Guy. Parmi les cartons, les classeurs et les boîtes à biscuits. En quête d’images d’époque, des bouts, des bribes pour composer son film, un court-métrage où on la verrait gravir le mont Blanc. Elle retient son souffle, quelque part, quelque chose pour elle, sur les tables, parmi les objets étalés, mille fois retournés, inspectés mais jamais pris, une photo, une lettre, une pellicule. Elle cherche des fragments de 1900 pour rapiécer l’Histoire. Numériquement, elle pourrait créer un double, une femme aux traits d’Alice Guy, fabriquer un mont Blanc, inventer une ascension, puis vieillir l’image, faire comme si, falsifier. Constance veut travailler le réel, que ses mains touchent quelque chose, la cellulose de la pellicule. Réparer l’époque avec les matériaux de l’époque.

Elle ne sait pas où chercher, alors elle cherche au hasard. Alice Guy a découvert une photo d’un de ses films dans un marché aux puces. Constance imagine le choc que ça a dû lui faire, elle trouve ça ignoble d’avoir dû payer pour quelque chose qui lui appartenait si fort.

Constance a terminé les deux boîtes à chaussures, elle passe au stand suivant. Des cartons de vaisselle remplis d’assiettes, d’outils, de tasses. Des ménages entassés pêle-mêle, des héritages encombrants, liquidés en même temps que la table à manger trop lourde, les commodes et les sommiers à moulure.

Céline Zufferey, Nitrate: roman (Gallimard, 2023).

Bei ihren Nachforschungen fand Constance heraus, dass das Schicksal der Filme von Alice Guy keine Ausnahme ist. Es wird geschätzt, dass zwei Drittel aller Filme aus den ersten 15 Jahren des Kinos verschwunden sind. Sie bestehen aus Zellulosenitrat, sind leicht entflammbar und das Gas, das sie abgeben, macht sie explosiv. Je älter und beschädigter ein Film wird, desto niedriger ist seine Selbstentzündungstemperatur. „Flammenfilme“ sind potenzielle Katastrophen. Ihre Aufbewahrung ist heikel, aber was soll’s, damals war es keine Frage, dass man sie nicht schonen wollte. Filme waren in erster Linie Konsumgüter; das Publikum wollte etwas Neues, Silbersalze und Zellulose wurden recycelt, um daraus neue Filme zu machen, Filme wurden zerstört, um Platz zu schaffen.

Ein fünfzehnminütiger Film ist dreihundert Meter lang, also ungefähr eine Filmrolle. Für einen einstündigen Spielfilm braucht man eintausendzweihundert Meter Film, das sind drei Spulen zu vierhundert Metern. Das Kino ist unhandlich.

Die Einführung des Tonfilms war eine Gelegenheit, die aus der Mode gekommenen Stummfilmrollen zu entsorgen. Ein neuer Film, der weniger leicht entflammbar war, versetzte ihnen den Todesstoß: Seit 1961 ist es verboten, Nitrat zu verwenden.

Unterhaltung, Industrie, der Film war kein Gegenstand des Kulturerbes. Es waren Enthusiasten, die Anfang der 1930er Jahre auf Flohmärkten, in bankrotten Kinos und auf Trödelmärkten unterwegs waren. Die ersten Filmarchive waren das Werk von Privatleuten, leidenschaftlichen Sammlern, die die Filme vor dem Müllcontainer und dem Vergessen retteten, indem sie sie in ihren Schränken und Badewannen aufbewahrten.

Constance macht es ihnen nach, und es ist das erste Mal, dass sie den Flohmarkt in ihrem Viertel besucht. Zwei verblasste Schuhkartons stehen auf dem Tisch eines Händlers. Darin befinden sich vergilbte Fotos mit Gesichtern frontal aufgenommen. Mit zwei Fingern blättert Constance sie alle durch. Eines nach dem anderen, Kinder in einer Reihe auf einem Schulhof, Paare vor einem schwarzen Hintergrund mit einem Säugling auf dem Arm, Brautpaare vor Dorfkirchen. Ihr Mittelfinger klappt ein Kind in weißer Unterhose um, das die Augen zusammenkneift, die Füße im Meer, sein Zeigefinger geht an einer Familie vorbei, Männer hinten, Frauen sitzend, Grautöne und Überbelichtung. Nie der gleiche Farbton oder das gleiche Format, ihre Finger stoßen an die Spitzenränder aus Pappe.

Was diese Menschen in diesem Schuhkarton vereint, ist, dass sie in derselben Region gelebt haben und Teil einer vergangenen Zeit sind. Diese Fotos, die man sorgfältig aufbewahrte, die man aus dem Büffet holte, wenn man sich erinnern wollte, keine Schnappschüsse, sondern lange Belichtungszeiten, die wichtige Momente festhielten, auf denen man nicht lächelte. Der Satz „Das ist Vergangenheit“ ermöglicht es Händlern, sie zu verkaufen, Käufern, sie zu erstehen, und diesen Bildern, in Cafés, Hotellobbys oder Badezimmern zu landen.

Unter ihren Fingern sind all diese Menschen, die durch Zufall zusammengekommen sind, die aus Liebe, dann aus Nostalgie und dann aus Exotik aufbewahrt werden. Sie kämpft gegen Schläfrigkeit, die durch die Abfolge von Schwarz und Weiß, von Gesichtern frontal aufgenommen, hervorgerufen wird. Sie will sie alle sehen, ihnen einen Blick schenken, bevor sie sich dem nächsten zuwendet. Wenn ihre Aufmerksamkeit nachlässt, geht sie zurück, schaut noch einmal und fährt dann fort.

Constance sucht nach Alice Guy. Inmitten von Kartons, Ordnern und Keksdosen. Sie sucht nach Bildern aus der Zeit, nach Schnipseln, um ihren Film zusammenzustellen, einen Kurzfilm, in dem man sie beim Besteigen des Mont Blanc sieht. Sie hält den Atem an, irgendwo, etwas für sie, auf den Tischen, zwischen den ausgebreiteten Gegenständen, die tausendmal umgedreht, inspiziert, aber nie mitgenommen wurden, ein Foto, ein Brief, ein Film. Sie sucht nach Fragmenten aus dem Jahr 1900, um die Geschichte zu reparieren. Digital könnte sie einen Doppelgänger erschaffen, eine Frau mit den Zügen von Alice Guy, einen Mont Blanc herstellen, eine Besteigung erfinden und dann das Bild altern lassen, so tun, als ob, fälschen. Constance möchte mit der Realität arbeiten, ihre Hände sollen etwas berühren, die Zellulose des Films. Die Zeit mit den Materialien der Zeit reparieren.

Sie weiß nicht, wo sie suchen soll, also sucht sie nach dem Zufallsprinzip. Alice Guy hat auf einem Flohmarkt ein Foto aus einem ihrer Filme entdeckt. Constance kann sich vorstellen, wie schockierend das für sie gewesen sein muss. Sie findet es niederträchtig, für etwas bezahlen zu müssen, das ihr so sehr gehört hat.

Constance hat die beiden Schuhkartons durchgesehen und geht zum nächsten Stand. Geschirrkartons voll mit Tellern, Werkzeugen und Tassen. Durcheinander gestapelte Haushalte, sperrige Erbstücke, die zusammen mit dem zu schweren Esstisch, den Kommoden und den Bettgestellen aufgelöst wurden. 1

Kai Nonnenmacher

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Anmerkungen
  1. „‘Wenn man sie fragt, was sie macht, und sie antwortet „Cutterin“, schauen die Leute sie verständnislos an. Sie fragen sich, was sie wohl montieren könnte. Sind es Möbel? Auf Treppen? In den Pixeln, in den Tiefen der Rushs, sucht Constance nach der Bedeutung in den Bildern. Die potentiellen Erzählungen.’ — Constance, eine Cutterin für Dokumentarfilme, entdeckt eines Tages die Autobiografie von Alice Guy, der ersten weiblichen Filmemacherin. In ihren Memoiren berichtet die Regisseurin von einer Besteigung des Mont Blanc, die sie aufgeben musste. Constance setzt sich in den Kopf, die Geschichte zu reparieren und aus Archivmaterial einen Kurzfilm zu erstellen, der die Filmemacherin auf dem Gipfel des Mont Blanc zeigen soll. Zu diesem Zweck sucht sie nach dem verschollenen Film Schneeballschlacht, der 1900 von Alice Guy gedreht wurde. Doch viele der Filme aus dieser Zeit, die aus Nitrat, einem besonders instabilen Trägermaterial, bestehen, sind heute verschwunden. — Wie wird die Erinnerung bewahrt? Wie wird Geschichte geschrieben? Auf der Spur dieser verlorenen Filmrolle, dem fehlenden Teil, mit dem sie ihren Film realisieren kann, dringt Constance in die Lagerräume der Kinematheken und auf überfüllte Dachböden vor, trifft Sammler, Kuratoren und Schausteller. Sie taucht ein in die Geschichte des Kinos und seiner Ursprünge. Von der Schönheit der ersten Bilder gepackt, lernt Constance auch, ihre eigenen Unsicherheiten zu zähmen.“ Übers. der Verlagsankündigung.>>>