Glitzertanga und Kruzifix: Romy bei Odette

Seize heures cinquante. Grand soleil place Gustave-Toudouze. À mi-chemin entre Pigalle et Saint-Georges, cette place est une frontière entre la zone des sex-shops, des putes et des camés, et celle des théâtres, de la bourgeoisie, des chérubins blonds. Trois bancs, un kiosque, des lampadaires anciens, style lanternes, une fontaine Wallace, une colonne Morris, des marronniers, cinq restaurants. C’est ici, au numéro 2, qu’habite Odette Steiner, née en 1921 à Chaumont. Odette a connu la crise de 1929, la Seconde Guerre mondiale, le Front populaire, l’exode, l’Occupation, le droit de vote des femmes, l’épidémie de polio, la bataille de Diên Biên Phu, la guerre d’Algérie, Mai 68, la pilule, la légalisation de l’avortement, Mitterrand, Tchernobyl, l’apparition du sida, l’an 2000. Elle a enterré ses parents et ses trois frères. Il ne lui reste plus que sa petite-nièce qui vit à l’étranger. Je sais par Alexandra qu’Odette a fait partie de la chorale de Notre-Dame-de-Lorette, d’un atelier de mosaïque et d’un club équestre. Elle participait activement à la vie du 9e arrondissement en envoyant des lettres à la mairie avec ses recommandations, suggestions ou plus souvent des critiques. Désormais elle ne sort plus guère. Doyenne de son immeuble, elle n’hésite pas à rappeler les règles de vie en communauté à ses voisins. D’après Alex, avec sa tante, faut filer droit. La vieille femme a du caractère, ce n’est pas simple de se la mettre dans la poche.

Pour rencontrer Odette, je me suis préparée comme pour une audition. Je me suis levée tôt, j’ai pris une douche froide avant d’essayer plusieurs tenues et regards : un véritable rôle de composition. Naturelle, une queue de cheval, tatouages des phalanges camouflés, pas de boucles d’oreilles. Il me faut cette chambre, un endroit à moi avec une porte, je suis lasse des salons, des canapés, des sacs de couchage, des cabines de bateaux et des sous-sols d’hôpitaux. Depuis que je suis montée à la capitale, j’ai enchaîné les logements à Montreuil, Créteil, La Courneuve. À Montreuil, j’habitais rue de Paris. La vraie vie me narguait de l’autre côté du périphérique.

Les fenêtres des immeubles alentour sont ouvertes, une odeur de lessive s’en échappe. Ici tout est propre et léger, les gens sont bien habillés, décontractés mais pas trop, les femmes portent le carré court, les bébés vêtus d’une marinière gigotent dans la poussette dernier cri. L’entrée se trouve entre deux restaurants. Odette est accoudée à son appui de fenêtre, au premier étage. Cheveux courts blancs, chemisier sous un pull bleu, derrière ses lunettes rondes elle observe les gens aux terrasses et les gosses qui jouent sur la bouche d’aération du métro. La tête rentrée dans ses épaules carrées, elle ressemble à une chouette sur son perchoir. Elle regarde sa montre. Dix minutes d’avance. Déjà, elle m’attend. Ses yeux se posent sur moi, froncement de sourcils, lèvres pincées. Est-ce que je corresponds à la description de sa nièce ? Trop tard pour faire demi-tour, et pour aller où ? Grande inspiration, je fais un signe de la main à Odette. D’un pas rapide, je me dirige vers la porte, compose le code d’entrée. Je reluque la boîte aux lettres à son nom, mademoiselle Steiner, bientôt, j’y ajouterai le mien. Des journaux dépassent de la fente, Le Pèlerin, La Croix. L’interphone grésille. Je pousse la porte vitrée, jette un coup d’œil dans le miroir du hall. Mon chemisier est froissé. J’humecte un mouchoir avec ma salive et frotte mes baskets grises. Je tapote mes joues, mon teint est blafard. Déjà, des petits cheveux dépassent de ma queue de cheval. Odette se tient sur le seuil, agrippée au chambranle de chaque côté. Nous nous dévisageons. Elle m’invite à entrer. Ça sent la lavande et la naphtaline, l’odeur de la mort, alors qu’au Pussy’s ça pue la vie : la transpiration, les préservatifs parfumés à la fraise, le sperme. J’ai l’impression d’être une veilleuse qui se promène entre deux mondes. C’est la première fois qu’Odette reçoit une possible locataire. Elle me le fait savoir, c’est l’idée d’Alexandra, pas la sienne, même si elle n’était pas contre. Depuis quelques mois, elle s’est mise à avoir peur la nuit, les démarchages téléphoniques l’exaspèrent, les escrocs pour changer sa chaudière pullulent, la solitude lui pèse. Elle voit ses copines perdre la tête, partir en maison de retraite quand elles ne décèdent pas avant. Odette a perdu l’appétit et sa joie de vivre. Inquiète, Alex a contacté le médecin qui lui a prescrit une pilule magique. Depuis, elle va mieux, mais ce n’est pas encore ça.

Je retire mes baskets dans le vestibule rouge tandis qu’elle ferme la porte à clef. On dirait l’entrée d’un bordel, moquette rouge, lustre en cristal, miroir. Tic-tac-tic-tac, j’entends une pendule au loin. Odette m’entraîne dans la salle à manger. Je suis au milieu d’un cimetière ; partout des fleurs séchées, des croix, du buis, des photos de papes, des portraits en noir et blanc. Je frissonne. La petite voix jaillit d’un coup.

Tu crois vraiment que tu vas duper la vieille avec ta tête d’ange ? Ton regard te trahit. Ces griffures dans ton cou et sur tes poignets, ce sont celles d’un chat peut-être ?

Joffrine Donnadieu, Chienne et Louve (Gallimard, 2023).

 


16.50 Uhr. Strahlender Sonnenschein auf der Place Gustave-Toudouze. Auf halbem Weg zwischen Pigalle und Saint-Georges ist dieser Platz eine Grenze zwischen dem Gebiet der Sexshops, der Huren und Junkies und dem Gebiet der Theater, der Bourgeoisie und der blonden Putten. Drei Bänke, ein Kiosk, alte Straßenlampen im Laternenstil, ein Wallace-Brunnen, eine Morris-Säule, Kastanienbäume, fünf Restaurants. Hier, in Hausnummer 2, wohnt Odette Steiner, die 1921 in Chaumont geboren wurde. Odette hat sie erlebt, die Krise von 1929, den Zweiten Weltkrieg, die Volksfront, den Exodus, die Besatzung, das Frauenwahlrecht, die Polio-Epidemie, die Schlacht von Diên Biên Phu, den Algerienkrieg, Mai 68, die Pille, die Legalisierung der Abtreibung, Mitterrand, Tschernobyl, den Ausbruch von AIDS und das Jahr 2000. Sie hat ihre Eltern und ihre drei Brüder beerdigt. Ihr ist nur noch ihre Großnichte geblieben, die im Ausland lebt. Von Alexandra weiß ich, dass Odette im Chor von Notre-Dame-de-Lorette, in einem Mosaikatelier und in einem Reitclub mitwirkte. Sie nahm aktiv am Leben des 9. Arrondissements teil, indem sie Briefe an das Rathaus mit ihren Empfehlungen, Vorschlägen oder häufiger auch Kritik schickte. Von nun an ging sie kaum noch aus. Als älteste Bewohnerin ihres Wohnhauses zögert sie auch nicht, ihre Nachbarn an die Regeln des Zusammenlebens zu erinnern. Alex sagt, dass man bei seiner Tante immer geradeaus gehen muss. Die alte Frau hat einen starken Charakter und es ist nicht einfach, sie in die Tasche zu stecken.

Um Odette zu treffen, bereitete ich mich wie auf ein Vorsprechen vor. Ich bin früh aufgestanden, habe kalt geduscht und dann verschiedene Outfits und Blicke ausprobiert: eine echte Komparsenrolle. Natürlich, ein Pferdeschwanz, Tätowierungen an den Fingerknöcheln getarnt, keine Ohrringe. Ich brauche dieses Zimmer, einen eigenen Ort mit einer Tür, ich habe genug von Wohnzimmern, Sofas, Schlafsäcken, Schiffskabinen und Krankenhauskellern. Seit ich in die Hauptstadt hinaufgezogen bin, habe ich eine Unterkunft nach der anderen in Montreuil, Créteil und La Courneuve bezogen. In Montreuil wohnte ich in der Rue de Paris. Das wahre Leben verhöhnte mich auf der anderen Seite der Ringstraße.

Die Fenster der umliegenden Gebäude sind offen, und es riecht nach Waschmittel. Hier ist alles sauber und leicht, die Leute sind gut gekleidet, lässig, aber nicht zu sehr, die Frauen tragen einen kurzen Bob, Babys in Marinière-Kleidung strampeln im neuesten Kinderwagen. Der Eingang befindet sich zwischen zwei Restaurants. Odette lehnt an ihrem Fensterbrett im ersten Stock. Sie hat kurze weiße Haare, eine Bluse unter einem blauen Pullover und beobachtet hinter ihrer runden Brille die Menschen auf den Terrassen und die Kinder, die auf dem Lüftungsschacht der Metro spielen. Den Kopf in die eckigen Schultern gezogen, sieht sie wie eine Eule auf ihrem Hochsitz aus. Sie schaut auf die Uhr. Zehn Minuten zu früh. Sie wartet schon auf mich. Ihre Augen ruhen auf mir, sie runzelt die Stirn und spitzt die Lippen. Entspreche ich der Beschreibung ihrer Nichte? Zu spät, um umzukehren, und wohin? Ich atme tief durch und winke Odette zu. Mit schnellen Schritten gehe ich zur Tür und gebe den Eingangscode ein. Ich schaue mir den Briefkasten mit ihrem Namen an, Fräulein Steiner, bald werde ich meinen eigenen hinzufügen. Zeitungen ragen aus dem Schlitz, Le Pèlerin, La Croix. Die Sprechanlage knistert. Ich stoße die Glastür auf und werfe einen Blick in den Spiegel im Flur. Meine Bluse ist zerknittert. Ich befeuchte ein Taschentuch mit Spucke und schrubbe meine grauen Turnschuhe. Ich klopfe mir auf die Wangen, meine Haut ist fahl. Aus meinem Pferdeschwanz ragen schon kleine Haare heraus. Odette steht auf der Türschwelle und hält sich auf beiden Seiten am Türrahmen fest. Wir mustern uns. Sie bittet mich herein. Es riecht nach Lavendel und Mottenkugeln, der Geruch des Todes, während es im Pussy’s nach Leben stinkt: Schweiß, Kondome mit Erdbeergeschmack, Sperma. Ich fühle mich wie ein Wachposten, der zwischen zwei Welten hin und her wandert. Es ist das erste Mal, dass Odette eine potentielle Mieterin empfängt. Sie lässt mich wissen, dass es Alexandras Idee war, nicht ihre, auch wenn sie nicht dagegen war. Seit einigen Monaten hat sie nachts Angst, die Telefonwerbung macht sie wütend, es gibt viele Betrüger, die ihren Heizkessel austauschen wollen, und die Einsamkeit belastet sie. Sie sieht, wie ihre Freundinnen den Verstand verlieren und ins Altersheim gehen, wenn sie nicht vorher sterben. Odette hat ihren Appetit wie ihre Lebensfreude verloren. Besorgt wandte sich Alex an den Arzt, der ihr eine Zauberpille verschrieb. Seitdem geht es ihr besser, aber das ist noch nicht das Ende der Fahnenstange.

Im roten Vorraum ziehe ich meine Turnschuhe aus, während sie die Tür absperrt. Es sieht aus wie der Eingang zu einem Bordell, roter Teppichboden, Kristallleuchter, Spiegel. Tick-tack-tick-tack, höre ich eine Uhr in der Ferne. Odette führt mich ins Speisezimmer. Ich bin mitten auf einem Friedhof; überall getrocknete Blumen, Kreuze, Buchsbaum, Fotos von Päpsten, Schwarz-Weiß-Porträts. Mir läuft ein Schauer über den Rücken. Die kleine Stimme ertönt mit einem Mal.

Glaubst du wirklich, dass du die Alte mit deinem Engelsgesicht reinlegen kannst? Dein Blick verrät dich. Die Kratzer in deinem Nacken und an deinen Handgelenken, sind das vielleicht die Kratzer einer Katze? 1

Kai Nonnenmacher

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Anmerkungen
  1. „‚Ich möchte auf der Bühne atmen, jeden Abend die drei Schläge hören, Verbrechen begehen, Kindsmord, Ehebruch, unsterblich lieben, wahnsinnig hassen, durch die Epochen reisen, das Geschlecht wechseln, mich vergiften, sterben, wiedergeboren werden.‘
    Die zwanzigjährige Romy kommt mit dem Traum, Schauspielerin zu werden, nach Paris. Um ihren Lebensunterhalt zu bestreiten und den Cours Florent zu bezahlen, arbeitet sie in einem Striptease-Club in Pigalle. Odette, eine neunundachtzigjährige alte Jungfer, lässt sie gegen eine geringe Miete und ein wenig Gesellschaft bei sich wohnen. Der Glitzertanga und das Kruzifix müssen sich zusammenraufen. Zwei Frauen zähmen sich gegenseitig, zwischen Hund und Wolf. Sie bauen eine Beziehung auf, die aus Faszination und Abhängigkeit besteht, und spiegeln sich gegenseitig ihre geschundenen Körper, ihre Einsamkeit, ihre Verrücktheiten, ihre geraubte Kindheit und vor allem ihren Lebenswillen. Wie weit werden sie in dieser gegenseitigen Beeinflussung gehen können?
    Hier zeigt sich die eindringliche Kraft des Schreibens von Joffrine Donnadieu, die die Gewalt der sozialen Beziehungen, die Theaterausbildung und das Leben der Körper mit Schärfe beschreibt.“ Übers. der Verlagsankündigung>>>