Kreuzzug im Namen eines Freiheitsideals

Gabriel reprit le fil de son propos – un long monologue, énoncé avec lenteur et d’un ton grave, avec le plus de précautions qu’il pouvait. « Durant ce long voyage, ton père et ton grand-père ont traversé une Allemagne en ruine, des villes dévastées, écrasées sous les bombes, des gravats partout malgré un début de reconstruction, et beaucoup de baraquements en bois. Ils y ont croisé la misère à chaque coin de rue, mais ils n’ont jamais retrouvé les anciens compagnons de ton grand-père. La plupart avaient été pendus, fusillés, abattus, sommairement. Et s’ils étaient encore en vie, ils niaient l’avoir connu. Ils étaient redevenus paysans, petits employés, hommes de peine, instituteurs. Ils s’étaient inventé un passé. Ils n’avaient rien eu à faire avec le régime ou s’affirmaient au pire « dénazifiés ». Ce qu’ils voulaient, c’était sauver leur peau, comme tant d’autres. Tous tête baissée, soumis, au milieu des femmes et des enfants, et des troupes d’occupation. Et là, sous les yeux de ton père, il y avait ton grand-père, malade après ses années de détention, se transformant au fil des kilomètres, ne cherchant plus rien à légitimer, ni à défendre de ses idéaux et de ce qu’on lui avait enfoncé dans le crâne. Plus rien de la lutte contre les Rouges, plus rien des slogans contre un collectivisme menaçant notre civilisation, plus rien d’une quelconque croisade à mener au nom d’un idéal de liberté… Plutôt, chaque jour davantage, un homme écrasé par le remords, ouvrant enfin les yeux, comprenant au fil de ses rencontres ce que la lutte contre le bolchevisme avait masqué, ou permis – et dont il avait été le complice : massacres et exécutions de masse. »

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Der Blick von Tanger nach Gibraltar

La cité est encore enveloppée d’un silence profond. Ils passent près d’un ancien cinéma en ruines, qui a gardé intacte son enseigne datant du protectorat français, comme une relique qui n’intéresse plus personne. Arrivés en haut de la kasbah, ils longent la muraille de l’ancien palais et s’arrêtent devant les tombeaux phéniciens en bord de falaise. Ils s’assoient et contemplent la mer d’encre, sombre et calme. Au loin, de nombreuses petites lumières clignotent sur la côte espagnole. Plusieurs phares jalonnent le détroit, balisant l’intense trafic maritime entre l’Europe et l’Afrique qui se densifie jour après jour, dans une valse de porte-conteneurs et cargos qui transportent autant de richesses sur leurs ponts que de misère au fond de leurs cales.

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Venedig im Frühling

Venise au printemps est une fête. Je suis arrivé, il y a quelques jours, par l’avion de 9 heures, motoscafo direct depuis l’aéroport jusqu’à San Basilio, à fond sur la lagune, baptême. Toujours le même rituel, l’eau, la vitesse, l’accélération, la brume sur fond bleu, l’horizon rose. Vous avez beaucoup ramé avant, dans l’autre monde, épuisement, découragement, mauvais vertiges, désarroi, dépit, secousses et puis voilà, le temps ouvert.

C’est la fin d’une splendide journée d’avril, le dernier soleil est orange, c’est le même que celui que Vivaldi, Monteverdi, Casanova, Titien, Tiepolo, Palladio, Véronèse ont connu. Demain, la première rosée sera tiède et salée.

Vincent Roy, Un printemps neuf (Le Cherche-Midi, 2023).

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Die Öffnung der Höhle: Pierre Michon

Nach einem Vierteljahrhundert veröffentlicht Pierre Michon auf Basis des viel gelobten Textes „La Grande Beune“ 2023 nun ein Diptychon, den Roman „Les deux Beune“, mit einem zweiten Teil des obsessiven Begehrens eines jungen Lehrers in einer Welt vorzeitlicher Höhlen der Dordogne.

Kurt Cobain ist tot

Smells like teen spirit démarre. Quelqu’un monte le son. On se lève tous d’un bond pour entamer un pogo furieux et chaotique. Les 10 m2 de la chambre se transforment en arène salvatrice et destructrice. On chante à tue-tête les quelques paroles qu’on croit connaître, en fermant les yeux. L’esprit adolescent est là, dans chacun de nous, il exsude de nos pores, il irradie la pièce. On est à Seattle, à Washington, à Londres ou ailleurs mais pas là, dans cette ville trop petite pour nous, insignifiante et sans avenir. On est jeunes, vivants, pleins d’illusions déjà presque perdues. On se sent forts tous ensemble, on communie dans le déluge de décibels. Une veillée funèbre grunge et désenchantée pour l’icône disparue.

Que nous reste-t-il désormais ? Le bac dans quelques mois, et après ?

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Aufblitzen im Augenblick einer Gefahr: Walter Benjamin bei Aurélien Bellanger

„Als Scholem seinen Freund 1938 nach mehr als zehn Jahren wiedersah, stellte er fest, dass sein Haar weiß geworden war und er an Gewicht zugenommen hatte. Ich kann nicht anders, als mir die groteske Figur eines Benjamin vorzustellen, der überproportional gewachsen ist und das gesamte Volumen der Nationalbibliothek einnimmt – ein Benjamin aus Pappmaché oder Wachsschmelze, der den Negativabdruck der Bibliothek bildet, aber in extremis Notausgänge aus dem Albtraum von Babel gefunden hätte, ohne sie leider für sich selbst nutzen zu können.“

Familienepos in acht Zeugungsakten: Laurent Quintreau

Laurent Quintreaus „Ève et Adam“ erzählt Familienhistorie über die kontingente Vereinigung von Sexualpartnern in acht Generationen von 1852 bis in das Jahr 2046. Dieses Epos der Zeugungen ist nicht zuletzt eine Geschichte der Geschlechter im Verhältnis der Reproduktionen.

Was konnte ich noch erfinden?

Le plus compliqué, c’était de reprendre tout le processus, d’imaginer des péripéties et de faire semblant de les découvrir. Aux débuts du roman moderne, quand Cervantès écrivait Don Quichotte ou Rabelais Pantagruel par exemple, c’était dans les contes qu’on se racontait de village en village, dans les fables, dans les romans qu’on commençait à peine à lire, que les lecteurs étanchaient leur soif de récits ; c’était là que se jouaient l’affrontement du bien et du mal, la rivalité entre frères ou l’ambition dévorante – tous les grands thèmes que les romans savent illustrer et mettre en musique. L’âge d’or du roman fut aussi l’âge d’or de la presse, entre le milieu du XIXe et le milieu du XXe siècle : en Occident, la population était désormais alphabétisée et, grâce aux progrès sociaux, disposait de temps libre. Les gens étaient comme des enfants qui demandent des histoires, encore des histoires, toujours des histoires.

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